Frederic Lenoir 19 janvier 2019

Pleine conscience, philosophie et art de vivre.

Quelques extraits de la conférence de Frédéric Lenoir sur "Pleine Conscience, philosophie et art de vivre" Samedi 19 janvier 2019 Paris espace Reuilly

Autour de moi, j'ai plusieurs personnes qui ont des cancers avec des récidives régulières, Certaines sont en permanence dans un état de souffrance psychologiques et morales et d'autres pas du tout et on oublie qu'elles sont malades tellement elles ont su faire une alchimie des émotions qui leur permet de transformer cette douleur réelle en quelque chose de quasiment joyeux.

C'est quelque chose que l'on peut connaître et je l'ai connu à travers des deuils. Lorsque l'on est dans le refus de la mort, le refus d'une des dimensions de la vie, puisque la mort fait partie de la vie, et que si l'on refuse la mort pour soi-même ou pour nos proches, à ce moment-là on refuse la vie. Et donc l'acceptation de la mort quel que soit la douleur, qui peut être très diverse, selon qui l'on perd bien évidement, le refus de la mort va accentuer de la souffrance, va nous mettre dans une colère, dans une tristesse beaucoup plus forte que si on est en acceptation de la vie, c'est à dire de la mort.

Et ça change tout. Comme le dit cette jeune femme Etty Hillesum

Néerlandaise juive déportée, morte à 27 ans à Auschwitz qui était dans le camp de Westerbork juste avant d'être déportée et de mourir. C'était un camp de concentration épouvantable, mais elle a pu envoyer quelques admirables lettres. Et si il y a un livre que vous devez acheter un jour, ce n'est pas un livre de moi, c'est « une vie bouleversée » de Etty Hillesum. Dans ce livre vous avez un certain nombre de carnets et des lettres de Westerbork et pour moi c'est un sommet de toute la littérature mondiale. Parce que c'est une jeune femme qui a 27 ans dans ce camp de déportation et qui décrit que malgré l'horreur, malgré les barbelés, malgré la manière dont les nazis les traitent, moins bien que des animaux, malgré la faim, malgré le froid, elle dit « il y a une chose que mes bourreaux n 'ont pas pu m'enlever c'est ma joie de vivre. J'aime la vie ». Et elle dit pourquoi « j'aime la vie » et c'est capital et ça tient en une phrase : « Parce que je la regarde comme un tout indivisible ».

Qu'est-ce que cela veut dire ? Ça veut dire et elle nous le dit : « quand je regarde la vie dans sa globalité et non pas seulement le moment atroce que je suis en train de vivre. Quand je regarde la vie dans sa globalité, et bien j'aime la vie parce que bien sûr il y a la souffrance mais aussi tellement de joie, je me souviens du lilas dans le jardin, je me souviens des confitures de ma grand-mère, et bien aujourd'hui même dans cet enfer, je vois des moments d'amour, de solidarité , de compassion parmi les prisonniers, et puis je regarde le soleil se coucher et ça m'émerveille. » Et donc elle dit « si on regarde non pas seulement la douleur présente mais la vie dans sa globalité, comme un tout indivisible, la vie est merveilleuse, avec ses hauts, avec ses bas, avec la mort, avec la naissance avec tous les événements qui font la musicalité d'une vie ».

Je citerai un passage de son livre « les gens ne veulent pas l'admettre ; un moment vient où l'on ne peut plus agir, il faut se contenter d'être et d'accepter. Et cette acceptation, je la cultive depuis bien longtemps... »

On me dit parfois : « Oui, mais tu vois toujours le bon côté des choses » Quelle platitude ! Tout est parfaitement bon. Et en même temps parfaitement mauvais. Les deux faces des choses s'équilibrent, partout et toujours. Je n'ai jamais eu l'impression de devoir me forcer à en voir le bon côté, tout est parfaitement bon, tel quel. Toute situation, si déplorable soit-elle, est un absolu et réunit en soi le bon et le mauvais ».

Tout est dit...

Autre très belle citation : « Notre unique obligation morale, c'est de défricher en nous-même de vastes clairières de paix et de les étendre de proche en proche, jusqu'à ce que cette paix irradie vers les autres. Et plus il y a de paix dans les êtres, plus il y en aura aussi dans ce monde en ébullition. »

Frédéric Lenoir reprend :

Et un autre penseur contemporain qui en parle très bien, c'est Nietzsche

Nietzsche qui a beaucoup souffert, qui était tout le temps malade, qui a eu des épreuves adoptives, qui n'a pas été reconnu, etc... Nietzsche au fond cultivait une sorte de joie intérieure qui venait de ce qu'il appelait « le consentement ». Et il nous disait « la source de la plus grande joie (luts?) C'est de dire un grand « oui » sacré à la Vie, d'aimer la vie de manière inconditionnelle, et il compare ça à un morceau de musique

(Vous savez qu'il était très mélomane). Qu'est ce qui l'émeut dans un morceau de musique? Si la musique était tout le temps joyeuse ce serait ennuyeux, si la musique était tout le temps triste ce serait ennuyeux, si la musique était tout le temps rapide ce serait ennuyeux, si elle était tout le temps lente ce serait ennuyeux,

Alors qu'est ce qui est beau dans la musique ? C'est l'alternance du son et du silence. C'est l'alternance entre les moments enlevés et les moments lents, C'est l'alternance des moments joyeux et des moments tristes, c'est l'alternance entre les moments harmonieux et des moments dissonants. Et c'est parce qu'il y a cette variété que la musique est belle et qu'elle nous émeut, qu'elle nous touche l'âme et nous met dans la joie. Et il nous dit la vie c'est pareil, c'est parce qu'il y a des hauts et des bas qu'on peut aimer la vie. C'est parce qu'on connaît l'expérience du malheur qu'on peut savoir ce que c'est que le bonheur. Si nous n'avions aucune expérience du malheur on ne saurait pas ce que c'est que le bonheur.

Et je renvoie à cette phrase de Jacques Prévert « j'ai reconnu le bonheur au bruit qu'il a fait en partant ».

C'est bien souvent lorsque le malheur arrive que l'on se dit « j'avais tout pour être heureux, j'étais en bonne santé,.., et puis d'un coup le malheur arrive et je n'ai pas réalisé que j'étais heureux.

Et là j'en viens à l'importance de la méditation pour vivre cette sagesse en marche

Pourquoi ? Pour deux raisons :

D'une part parce que la méditation nous aide à être présents, nous aide à être là ici et maintenant. OR il n'y a pas de bonheur ou de joie possible sans qualité de présence, sans qualité d'attention et ça c'est une vérité universelle qui remonte de très loin, pour toutes les cultures.

Bien sûr on le connaît à travers le bouddhisme, à travers l'hindouisme mais c'est très présent dans la philosophie antique. Vous connaissez tous « CARPE DIEM ».

Cette phrase qui dit « vis dans l'instant » « cueille le jour », Aristote en parle beaucoup, Epicure aussi. A quel point il est essentiel d'être présent, d'essayer de vivre chaque jour comme si c'était notre dernier jour.

Et puis vous avez les stoïciens qui pratiquaient des exercices d'attention. Alors ce n'était pas de la pleine conscience, comme dans le bouddhisme, c'était une attention qui était focalisée, ce n'était pas une attention ouverte. Ils focalisaient leur attention sur des textes, ou sur des pensées ou sur des paroles qu'ils méditaient jusqu'à s'en imprégner de toute la substance. Mais l'idée était de développer une grande qualité d'attention et de présence à des idées essentielles qui nous aidaient. Et donc ces attentions focalisées sont très présentes dans les écoles de sagesse de l'antiquité et le stoïcisme. Je vous rappelle que cela à durer 1000 ans. Pendant mille ans des gens ont appris à méditer dans les écoles stoïciennes à travers des maximes de vie dont le but était de les incorporer pour être beaucoup plus en état de présence et d'attention notamment lorsqu'on traverse des moments difficiles dans la vie.

Et donc je dirais que la première chose à faire c'est de pratiquer la méditation parce qu'elle nous aide à lâcher les pensées, à laisser passer tout ce flot permanent du mental, elle nous permet d'être beaucoup plus présent à son corps, d'être beaucoup plus présent à soi-même et donc beaucoup plus présent aux autres et au monde.

ET c'est une des conditions nécessaire du bonheur et à la joie. Du bonheur parce que le bonheur vient beaucoup de la conscientisation du plaisir. Vous savez il y a eu un débat important dans l'antiquité sur la différence entre le plaisir et le bonheur. Et le bonheur a été définit comme un plaisir intérieur, un état d'être. Alors que le plaisir c'est toujours une émotion passagère liée à la satisfaction d'un désir ou d'un besoin immédiat. J'ai soif, je bois, j'ai du plaisir,..., j'ai envie de manger du chocolat, j'en mange, j'ai du plaisir...

Et encore :

Sans égo nous ne pourrions pas survivre et c'est pour ça que ceux qui disent qu'il faut tuer l'égo, c'est une bêtise.

Heureusement que nous avons un égo, sinon, nous n'aurions jamais pu nous développer psychologiquement de manière à se protéger de tous les dangers qui nous entourent. Mais à un moment donné, il faut savoir lâcher l'ego.

Reconnaître cet égo auquel on s'identifie,..., parce que notre réalité ultime, ce n'est pas l'ego, ce n'est pas le mental c'est ce que l'on pourrait appeler l'esprit de soi, la part divine qui est en nous quel que soit la tradition ou la culture dans laquelle on se situe. C'est vers une dimension plus radicale que l'ego et le mental auxquels on s'identifie parce que ce sont les deux logiciels dans lesquels nous fonctionnons quotidiennement. Notre conscience est entièrement calée sur notre égo et notre mental et le fait de méditer très régulièrement finit par prendre de la distance ; et lorsqu'on prend de la distance, ça crée du détachement. Le détachement permet de n'être plus tout de suite dans les pensées, les émotions, dans les peurs etc. ...

Ça permet ce recul. Qui fait que l'on n'est plus immédiatement pris par quelque chose sans avoir cette part de recul, de distance qui nous rend libre. Je disais tout à l'heure la liberté ce n'est pas qu'il nous arrive telle ou telle chose. La plupart du temps ce qui nous arrive est déterminé. C'est déterminé par vos gènes, c'est déterminé par votre inconscient, c'est déterminé par des événements extérieurs de la société dans laquelle on est. Vous n'avez pas choisi. Pour 99 % c'est ça. La liberté c'est le choix que nous avons de réagir de telle façon ou telle autre à ce qui nous arrive.

Une des causes de notre malheur occidental contemporain c'est la séparation de toutes ces dimensions (corps cœur esprit).

On connaît tous des intellectuels qui ont un esprit brillantissime et qui sont très mal dans leur corps ou qui n'ont aucun cœur et puis on connaît des gens qui ont beaucoup de cœur mais qui ne réfléchissent pas, et on voit bien que ce qui fait la beauté de notre humanité c'est ces trois dimensions. Lorsque le cœur, cad la dimension d'amour, la dimension affective, lorsque le corps à la fois physique et émotionnel, lorsque l'esprit la capacité de comprendre, de raisonner, de réfléchir, lorsque ces trois dimensions sont reliées, il y quelque chose en nous qui s'unifie et qui nous permet de rayonner. On dit d'ailleurs de quelqu'un qu'il est aligné. Quand on dit ça c'est qu'on ressent que toutes les dimensions sont là. Alors qu'il y a des gens qui sont divisés. Ils sont très forts dans une dimension et pas du tout dans les autres.

« La qualité d'une vie humaine dépend du rapport au monde, pour peu qu'il permette une résonance. Celle-ci accroît notre puissance d'agir et en retour, notre aptitude à nous laisser surprendre, toucher et transformer par le monde » Hertmut Rose

Vicktor Frankl écrivait « Entre stimulus et réponse, il y a un espace. Dans cet espace repose notre liberté et notre pouvoir de choisir notre réponse. Dans notre réponse repose notre épanouissement et notre bonheur. »


Les deux ailes de la paix - La Celle les Bordes
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