Rencontre avec les migrants accueillis au cœur de la forêt, à Bonnelles
Rencontre avec les migrants accueillis au cœur de la forêt, à Bonnelles
Article paru en Juillet dernier dans l'echo Republicain
L'association SAM et ses bénévoles proposent des cours de français aux migrants
« Welcome here », lance la petite dizaine de jeunes installés dans le salon principal du Centre d'hébergement d'urgence pour migrants de Bonnelles, situé à 20 kilomètres de Rambouillet.
Logé en plein milieu de la forêt, le monastère qui les accueille depuis septembre 2015 leur sert de bouffée d'oxygène. La plupart d'entre eux sont issus de camps de réfugiés dématelés. À Bonelles, ils passent, en moyenne, 148 jours avant d'être envoyés dans d'autres centres, ou dans leur pays d'origine.
Qui sont-ils ?
Ils sont actuellement quatre-vingt-dix, de quinze nationalités différentes. Des Afghans, des Soudanais, des Érythréens, des Somaliens, des Libyens. La liste, trop exhaustive pour citer tous les pays représentés, est longue. Les profils, eux sont tous différents, avec une moyenne d'âge de 27 ans.
Certains n'osent pas parler. Ils arrivent de pays parfois très violents. Ils sont renfermés sur eux-mêmes.
Dans le grand salon du monastère de Bonnelles, ils ont une chose en commun : leur téléphone portable, greffé à la main, « soit pour rester en contact avec leurs proches, toujours au pays, soit pour apprendre le français. Ils regardent aussi des vidéos, écoutent de la musique en streaming pour passer le temps », explique Jean Massignac, bénévole au Centre d'hébergement d'urgence pour migrants (CHUM) de Bonnelles. Plusieurs fois par semaine, il donne des cours de français à l'aide d'outils numériques : « Certains n'osent pas parler. Ils arrivent de pays parfois très violents. Ils sont renfermés sur eux-mêmes. Alors je leur laisse l'ordinateur, sans parler, pour ne pas les angoisser ». Sur chaque ordinateur, un logiciel leur permet de découvrir la langue française. « Je tiens une liste de présence, pour voir l'assiduité. Rien n'est obligatoire. Mais ce qui est fort, c'est que l'on voit où en est l'état d'avancement de leur demande d'asile à leur assiduité. S'ils viennent souvent, c'est que tout est en bonne voie. »
Sahel, de l'Afghanistan à la France, en passant par Londres
Sahel est l'un des migrants présents au centre. L'Afghan de trente ans n'en est pas à son premier centre. Depuis 2006, il tente de fuir l'Afghanistan : « J'ai été en Angleterre, à Londres, puis j'ai dû retourner en Afghanistan avant d'aller en Grèce », explique-t-il dans un français qu'il est fier de parler, bien qu'il ne soit pas encore parfait. « Aujourd'hui, cela fait quatre mois que je suis à Bonnelles ». Sa demande d'asile auprès de l'Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) a pourtant été refusée. Il a fait un recours devant la CNDA (Cour nationale du droit d'asile). Sa famille et ses amis eux, sont restés principalement à Londres.
Hady, en attente d'une réponse
Lors de notre visite, mi-juillet, Hady, un Guinéen de 26 ans, était, lui, en attente d'une réponse de l'Ofpra : « J'ai passé mon entretien le 29 juin. J'espère que cela va bien se passer, mais il faut être patient, cela peut prendre six mois. En attendant, je suis bien à Bonnelles, on m'a bien accueilli ici. » Depuis notre passage à Bonnelles, le jeune homme a été exclu du centre pour raisons disciplinaires.
Le mouvement Habitat Humanisme (EHD), qui gère le Centre d'hébergement d'urgence pour migrants, en étroite collaboration avec la préfecture et la mairie de Bonnelles, accompagne ces hommes dans toutes leurs démarches.
Quand ils croisent les gens du village, ils les saluent toujours. Il y a une vraie entente. Après, quand il y a un début de problème, il faut agir et faire respecter le règlement intérieur
Si l'accueil des migrants à Bonnelles s'est immédiatement bien passé, la directrice du centre, Isabelle Maurette, reconnaît que « ce n'est pas le monde des bisounours » : « La grande majorité des habitants acceptent parfaitement cette situation. Nos résidents ont été très bien accueillis. Quand ils croisent les gens du village, ils les saluent toujours. Il y a une vraie entente. Après, quand il y a un début de problème, il faut agir et faire respecter le règlement intérieur. Il faut être juste. »
Tous les jours, vers 16 heures, les jeunes de Bonnelles attendent les migrants sur le terrain de foot du village pour des matchs qui se déroulent toujours dans une ambiance cordiale. D'autres, préfèrent le cricket, comme les Afghans.
Et si les équipes ne sont jamais les mêmes - certains migrants devant quitter Bonnelles sans avoir le choix - il ne manque jamais de joueurs. Car à quelques mètres, le monastère ne désemplit jamais.
Nathan Sportiello